L'équipe du projet GEReSH-CAM a accueilli pendant quatre jours des chercheurs du monde entier pour la conférence internationale, « Langues, cultures et éducation en Asie du Sud-Est : identité et diversité », à l’Université Royale de Phnom Penh, dans le cadre du lancement de son centre de recherche interuniversitaire en Sciences Humaines et Sociales.
La conférence internationale, « Langues, cultures et éducation en Asie du Sud-Est : identité et diversité », organisée dans le cadre du lancement du centre de recherche interuniversitaire en Sciences Humaines et Sociales à Phnom Penh, résultat de trois ans de coopération scientifique euro-cambodgienne autour du projet GEReSH-CAM, s’est tenue au CKCC de l’Université Royale de Phnom Penh du 16 au 19 Octobre 2019.
L’ouverture de cet événement s’est tenue en présence du Ministre de l’Education, de la jeunesse et des Sports du Cambodge, du Président de l’INALCO, du chargé de Coopération Universitaire de l’Ambassade de France au Cambodge, du Correspondant de l’IRD au Cambodge, de la Directrice de l’unité mixte de recherche, le SeDyL, et des Recteurs des trois universités, URPP, URBA et INE. Leur présence marque leur soutien au projet et au centre de recherche, et met en évidence les attachements forts qui ont émergé entre ces institutions en trois ans de coopération.
Articulée autour de communications de chercheurs du Cambodge, de France, de Singapour, de Taiwan, des Etats-Unis, de Thaïlande, de Chine, de Suède, et devant un public composé de chercheurs, d’enseignants et d’étudiants, cette manifestation a été l’occasion d’aborder les questions de l’unicité et de la diversité des individus, des expériences ethnoculturelles et nationales, ainsi que de la conception spécifique du monde au travers de cette perspective. La langue comme signe le plus manifeste de la complexité culturelle, sa diversité, l'héritage colonial, les relations entre les langues et les cultures locales et globalisées, sont autant de thèmes qui ont été abordés et qui ont alimenté la réflexion et les discussions tout au long de la conférence.
Lancé en 2016, le projet GEReSH-CAM, bénéficiaire du soutien du programme européen Erasmus+, a accompagné pendant trois ans les acteurs universitaires cambodgiens dans la structuration d’une politique de recherche et d’innovation en Sciences Humaines au Cambodge. Cette manifestation a permis de disséminer les résultats du projet et de présenter largement le centre de recherche interuniversitaire CHaS ! à une audience avertie. La dernière journée de cette manifestation rassemblant chercheurs, enseignants et étudiants du monde entier, a été consacrée aux orientations scientifiques du centre et ses futures collaborations.
Dans le cadre du projet Manusastra sont organisés des colloques internationaux sur le thème « LA CONSCIENCE DU PASSÉ CHEZ LES KHMERS ET LEURS VOISINS, approches linguistique, historique et ethnologique ». Le premier a eu lieu en Décembre 2014 à Phnom Penh, dans les locaux de l’URBA (voir programme en cliquant ici). Un deuxième colloque a eu lieu du 29 novembre au 2 décembre 2017, à l’INALCO (Paris). Plus d'informations ci-dessous.
Poursuivant l’enquête sur la mémoire collective et la perception du passé, le projet CAMNAM organise cette année une journée d’étude consacrée à la notion de temps dans une perspective linguistique.
Depuis l’article d’E. Benveniste « le langage et l’expérience humaine » 1 , il semble désormais largement admis que « l’expression du temps est compatible avec tous les types de structures linguistiques », et n’est pas exclusivement réservée à certaines langues telles que celles de la famille indo-européenne.
Or, les unités et constructions que beaucoup de linguistes, en particulier les spécialistes de langues « non indo-européennes », identifient comme marques de temporalité (passé, présent futur) expriment dans la quasi-totalité des cas bien plus, voire autre chose, que cette catégorie en tant que telle : temps, mémoire, valeur habituelle mais aussi modalité, aspect, indéfinition, valeur comitative, etc. D’un autre côté, on a pu considérer qu’il pouvait exister des langues ne contenant aucune référence au temps et on découvre aujourd’hui dans des langues bien décrites, que des marqueurs de temporalité/aspect peuvent se cacher là où on ne les attend pas, en dehors des oppositions temporelles caractéristiques de leur système verbal.
Toutes ces observations conduisent à interroger l’idée couramment défendue que le temps est une donnée cognitive préexistante en recherche d’encodage dans le langage. L’objectif de cette journée est alors, à partir de travaux sur des langues variées tant du point typologique que génétique ou aréal, de questionner les définitions mêmes du temps et de l’aspect en montrant la diversité et le caractère souvent imprédictible de la construction de ces notions dans les énoncés.
Ce questionnement, qui remet les formes au centre de l’analyse linguistique, a par ailleurs pour enjeu de remettre en cause l’application de grilles d’analyse prédéfinies par les grammaires des « grandes langues » sur les systèmes linguistiques des langues moins décrites ; plus largement, ce questionnement détermine une méthodologie particulière, dans la mesure où il ne s’agit pas de ranger les données dans des catégories prédéfinies, mais au contraire, d’étudier des phénomènes fondamentalement transcatégoriels, à partir desquels les opérations langagières peuvent être repensées.
Dans le cadre de cette journée d’étude, deux approches seront présentées : d’un côté, trois présentations se proposent de mener des réflexions théoriques et de dresser l’état de l’art sur la question de temporalité et de l’aspect dans la littérature linguistique, de l’autre, sept présentations abordent l’étude des unités et des constructions syntaxiques pouvant donner lieu à des interprétations temporelles et/ou aspectuelles dans sept langues différentes. Ces marqueurs et constructions seront traités du point de vue de la syntaxe, de la sémantique, de l’étymologie, de la morphologie et/ou de l’analyse du discours.
Un colloque international "Temps et temporalité en Asie du Sud-Est" sera organisé à l'INALCO du 29 novembre au 2 décembre 2017.
A cette occasion, un appel à contributions est ouvert jusqu'au 1er juin 2017. Cet appel est téléchargeable ci-dessous ou sur le site internet du colloque.
En Asie du Sud-Est comme ailleurs, les modalités de la co-présence du passé, du présent et du futur donnent lieu à diverses formes d'organisations conceptuelles et pratiques. Un large éventail de dispositifs s'offre ainsi à l'observation, entre une représentation de l'immutabilité des choses - lorsque par-delà l'agitation continue des êtres tout se répète et rien ne change vraiment - et une affirmation de l'irréversibilité de l'altération graduelle et permanente de toutes choses - car si rien ne change rien ne dure non plus. Placés devant ce dilemme, les acteurs s'en accommodent, selon des stratégies elles-mêmes diverses allant de la résignation à la recherche plus ou moins confiante d'une maîtrise de la temporalité - entendue ici comme la perception, à chaque fois particulière, de la durée, cette universelle condition que l'homme ressent par nécessité, où qu'il vive.
De nombreuses approches sont disponibles pour frayer ce thème classique, fruits d'un intérêt qui s'est accru dans les sciences sociales ces trois dernières décennies. Il s'en faut cependant qu'elles aient été pleinement exploitées en terrain sud-est asiatique et l'un des objectifs de ce colloque sera bien sûr de s'y confronter. On pense, par exemple, aux multiples rythmes qui scandent la vie des individus, au caractère socialement marqué du temps vécu, aux mesures notamment calendaires, aux temps des grandes cosmogonies, aux relations qu'entretiennent temporalité, narration et langage ou encore au travail de la mémoire comme actualisation du passé. Pour aller plus loin, on peut s'aider des réflexions de la linguistique culiolienne questionnant la pertinence de catégories grammaticales indo-européennes pour rendre compte de l'expression du temps dans d'autres familles de langues, de l'anthropologie de la "structure de la conjoncture" de Marshall Sahlins, ou des travaux sur les "régimes d'historicité", les "traditions inventées", ou les "textures du temps"[1], ou bien d'autres formes d'analyse encore.
Mais l'on prendra garde au fait que la catégorie que nous appelons temps n'est peut-être pas représentée ailleurs comme un domaine unique, ou acceptant une forme de mesure unique ou encore relevant d'une orientation unique qui nous mène du passé au futur ou inversement. Au contraire, il existe peut-être dans les catégories que nous traduisons volontiers par temps des éléments qu'en Occident moderne (et contemporain) nous ne classons pas dans ce registre, comme la hiérarchie fondée sur la précédence, ou les richesses et le prestige qu'offre leur captation, leur don et parfois leur destruction. La démarche est donc nécessairement et même épistémologiquement comparative.
Pour mener à bien ces objectifs, plusieurs portes d'entrée se profilent. Une première, immédiatement comparative, consiste à considérer ce que nous appelons temps comme un moyen d'accéder aux structures sociales des diverses communautés sud-est asiatiques. La temporalité semble unifier alors tout ce que nous avons l'habitude de segmenter en politique, religieux, économique, etc. L'abdication d'un roi, par exemple, est-elle un phénomène temporel (le temps du renoncement au monde des spécialistes du bouddhisme), un phénomène hiérarchique de précédence (une abdication temporaire au profit d'un représentant des premiers occupants du sol) ou participe-t-elle d'une relation statutaire (un roi aîné désigné en premier abdique pour un roi cadet désigné en second, comme il en existe à Madagascar) ; de même, les funérailles d'un roi organisées par son fils ou son neveu sont-elles l'expression d'une mort-renaissance de l'institution royale ou signent-elles un échange de biens (mérites, richesses et dépendants) au sein d'une même maison ; l'engagement pour dettes pallie-t-il la faiblesse des institutions de crédit ou est-ce une manière de faire durer la relation en en modifiant le statut ; faut-il voir l'émission monétaire comme un outil favorisant la circulation des biens ou, permettant l'instantanéité de l'échange, un moyen de s'affranchir de liens de dépendances ?
Une seconde porte d'entrée, directement cognitive, consiste à rechercher les marques de la temporalité telles qu'elles se présentent en Asie du Sud-Est. Les linguistes pourront ainsi étudier les marqueurs et/ou les constructions syntaxiques qui se rapportent aux notions d' "habitude", de "tradition", d' "héritage", de "mémoire", de "mythe", de "conte", d' "histoire", de "temporalité", d' "aspect", qu'il sera loisible d'aborder aussi bien des points de vue de la syntaxe, de la sémantique, de l'étymologie ou de la morphologie que de l'analyse du discours ; les historiens s'intéresseront par exemple à l'origine du temps, la succession des ères cosmiques, les différents cycles composant les calendriers (cycles de la royauté, des institutions, des ancêtres, des cultures, etc.), à l'enchaînement des ruptures et des fondations politiques ou la rétraction du temps dont procède le millénarisme ; enfin, le temps pouvant être défini comme "la synchronisation irréversible d'événements ou d'actions appartenant à deux ou plusieurs domaines distincts"[2], les anthropologues pourront étudier la manière dont s'opère la synchronisation dans une société donnée.
Dans les deux cas, on peut s'attendre à mettre au jour une relation entre plusieurs formes de synchronisations qui entrent en opposition ou se complètent[3]. C'est alors l'articulation de ces formes qui dit la spécificité de la société à travers une vision du monde élaborée par une hiérarchie de valeurs. On ouvrira volontiers l'enquête au "désenchantement du temps"[4] qu' y constitue la confrontation entre l'accélération du temps des sociétés contemporaines, désormais mondialisées[5], et des manières plus locales de vivre la temporalité. Le présent atelier brodera donc les représentations temporelles de l'Asie du Sud-est avec les nouvelles ou anciennes orientations théoriques en particulier en linguistique, en histoire et en anthropologie, de manière à enrichir réciproquement connaissance de terrain et théorie. Trois conférenciers spécialistes d'une de ces disciplines mais dans une autre aire culturelle que l'Asie du Sud-Est sont invités pour étayer la démarche comparative.
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[1] A. Culioli, " Les modalités d'expression de la temporalités sont-elles révélatrices de spécificités culturelles ", [in] Pour une linguistique de l'énonciation, Paris, Ophrys, 1999, t. 2, pp. 158-178 ; M. Sahlins, Des îles dans l'histoire, Paris, Gallimard/Le Seuil, 1989 et F. Zimmerman, " Sahlins, Obeyesekere et la mort du capitaine Cook ", L'Homme, t. 38, n°146, 1998, pp. 191-205 ; R. Koselleck, " 'Champ d'expérience' et 'horizon d'attente' : deux catégories historiques ", [in] Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques, Paris, Éd. de l'EHESS, 1990, pp. 307-329 et F. Hartog, Régimes d'historicité : présentisme et expériences du temps, Paris, Éd. du Seuil, 2003 ; E. Hobsbawn et T. Ranger (dir.), L'invention de la tradition. Nouvelle édition augmentée, Paris, Amsterdam, 2012 ; V. N. Rao, D. Shulman, S. Subrahmanyam, Textures du temps : écrire l'histoire en Inde, Paris, Éd. du Seuil, 2004.
[2] A. Itéanu, " Orokaiva : le temps des hommes ", [in] P. Piettre (dir.), Le temps et ses représentations, Paris L'Harmattan, 2001, pp. 211-220.
[3] A. Itéanu, loc. cit. ; J. Baschet, La civilisation de l'Occident féodal, Paris, Champ Flammarion, 2006, p. 444.
[4] B. Pradel, " les caractéristiques traditionnelles du rythme social ", Rhuthmos, 11 février 2012.
[5] R. Hartmut, Accélération. Une critique sociale du temps, Paris, La Découverte, coll. " Théorie critique ", 2010.
Un séminaire de recherche doctorale aura lieu le 18 novembre 2016 à l'INALCO (Paris) sur le "Temps à travers les langues, les rites et les textes au sein de l’aire culturelle sud-est asiatique et au-delà".
Le programme de la journée et le résumé des interventions est téléchargeable ci-dessous.
Cette Conférence qui s'est tenue à l'Institut Français du Cambodge le 15 décembre 2016 était l'occasion de présenter le livre "Le passé des khmers : Langues, textes, rites" en présence de plusieurs auteurs, par ailleurs intervenants dans le cadre du programme de formation du projet Manusastra.
Ce livre, résultant du volet Recherche du projet Manusastra, offre les premiers résultats d’une enquête sur les pratiques et les représentations du passé chez les Khmers. Elle s’inscrit dans une réflexion sur la mémoire collective qui fait le choix d’un pas de côté, à distance de l’historiographie récente traitant de cette question à l’intérieur d’une chronologie très restreinte, couvrant les 40 ans qui nous séparent du régime khmer rouge. Ici comme ailleurs, considérer les phénomènes de la vie sociale pour leur seule contemporanéité ou ériger les événements contemporains comme fondateurs à l’exclusion des autres ne permet guère une pleine compréhension du fonctionnement de la mémoire collective. Il n’est sans doute pas de problème plus complexe que celui du rapport qu’entretient, sur la durée, une société à son passé. À commencer par celui des mots qu’elle se choisit pour le dire et qui le déterminent en partie. Ceux que les auteurs ont tirés de la langue des locuteurs, des textes historiques et de l’exercice des rites suggèrent d’autres chemins à frayer. Une dizaine d’articles de linguistes, d’historiens et d’ethnologues nous invitent ici à les parcourir, en regard des expériences du passé propres aux mondes indien et européen.
Auteurs présents à cette occasion : Joseph Thach, linguiste (INALCO-SeDyL), Ang Choulean, Anthropologue (URBA), Eric Bourdonneau, Historien (EFEO), Grégory Mikaelian, Historien (CNRS) et Nasir Adboul-Carime, Historien (AEFEK).